A  Leipzig  ville  de Leibniz,  Fichte, Wagner et  Nietzsche, l’OCDE organisait  cette semaine  un sommet passionnant de ministres des transports venus du monde entier. Assistaient aussi à cette  réunion   les  principaux chefs d’entreprises des industries automobiles,  ferroviaires,   navales et aériennes.

Rien n’est plus important que les transports pour comprendre l’avenir de l’économie : ils entrent  en crise avant les autres ; et ils en sortent avant les autres. Aussi, cette réunion constituait-elle  un très précieux baromètre de notre avenir et elle devait indiquer la profondeur, la durée et la nature de la crise.

L’ambiance n’était pas au beau fixe : L’industrie des chantiers navals a expliqué qu’elle savait depuis 2006 qu’une crise arrivait parce qu’une surcapacité se formait, indépendamment de la crise financière ;  les responsables de l’’industrie automobile ont expliqué qu’ils ne vendaient que la moitié des véhicules  que leurs  usines étaient capables de produire  ; ceux de l’industrie des camions ont expliqué que la chute de leur marché était de l’ordre de 80%, parce que tout se cumule pour qu’on ne les remplace pas : les véhicules sont plus solides; le commerce se ralentit ; les banques ne financent plus . Enfin,  les responsables du  transport  aérien n’étaient pas plus optimistes :  Le PDG de Turkish Airlines  a  même expliqué que, pour le présent, il allait    supprimer  toutes les prestations à bord non directement liées au vol ( comme les ventes de duty free)  et que,  à l’avenir, il réduirait massivement le nombre de fauteuils de business class dans ses  avions. Ce n’est pas propre à cette compagnie : toute l’aviation est confrontée à une surcapacité de production,  à une baisse de la demande, à un effondrement des prix et à un changement des mentalités. Des études montrent même que, si,  avant, les  gens qui voyageaient en classe économique  faisaient  croire ensuite qu’ils avaient voyagé en classe affaires,  aujourd’hui,  beaucoup  de ceux qui voyagent en première ou en  classe affaire laissent croire à leur entourage  qu’ils ont voyagé en classe économique : réduire ses frais est un signe d’intelligence et frimer n’est plus un signe de puissance. Enfin, tous les secteurs du transport ont reconnu ne consacrer que très peu de  moyens   à la recherche de produits nouveaux.

Tout  cela est révélateur des changements qui nous attendent, au delà des transports :   une longue période de crise, pour résorber ces surcapacités.  Et une  longue déflation, pour tenir compte des nouveaux comportements des consommateurs et la faiblesse de l’innovation.

Il appartient aux Etats de ne pas laisser s’installer cette situation, qui verrait vieillir le parc de véhicules en circulation, et donc s’aggraver la  production de gaz à effet de serre. Ils devront pousser, par des réglementations audacieuses  et des dépenses publiques bien orientées,  à un renouvellement plus rapide  des moyens de transport, vers des véhicules  beaucoup plus économes en énergie, et des systèmes de transport beaucoup plus collectifs, bouleversant l’organisation de la ville, et donnant plus de place aux communications virtuelles.

Ainsi, les  transports  le révèlent mieux que tout autre secteur : il ne pourrait  y avoir de retour durable de la prospérité  que  par l’avènement d’un  tout autre modèle de production, qui réconciliera croissance et environnement.