A priori, rien ne relie les tragiques événements que nous vivons en Europe, (depuis l’arrivée massive et incontrôlée en Italie de migrants fuyant la folie terroriste au Moyen-Orient, pour la retrouver dans les rues de Paris et Bruxelles, après Toulouse), avec la décision que la Banque Centrale Européenne annoncera jeudi 22 janvier après-midi, rachetant pour la première fois, sur les marchés, des bons du trésor des pays membres de la zone euro.

Cette décision apparemment purement technique, qui vise à relancer la croissance et l’inflation européenne est très bienvenue ; elle donne à l’Europe un formidable ballon d’oxygène. Mais elle n’aura pas d’effet durable si les États européens ne prennent pas le relais en réformant leurs économies, pour s’adapter à la modernité d’une façon socialement juste, et en finançant des projets communs par des bons du trésor communs, des euros bonds.

Seulement il n’existe pour cela aucune structure : à la différence des États-Unis, par exemple, qui ont un Trésorerie et des bons du trésor, il n’y a ni budget de la zone euro, ni administration d’un trésor européen et donc pas d’euro bonds.

C’est le moment de se souvenir de la façon dont sont nés les bons du Trésor américains : De fait, les États-Unis sont vraiment nés en tant que nation, non pas 4 juillet 1776 avec la déclaration d’indépendance, ni même le 17 septembre 1787 avec l’adoption de la constitution, mais quand, à la suite d’un dîner mémorable, à New York, le 20 juin 1790 entre Hamilton, Madison et Jefferson, le président Washington lança la première émission de bons du trésor, pour financer en urgence l’achat d’armes et l’équipement des troupes face au retour des troupes britanniques, encouragés par le départ des troupes françaises, rappelées par la révolution française.

C’est la menace qui créa les États-Unis d’Amérique. C’est elle qui peut aussi créer l’Europe politique.

Aujourd’hui, en Europe, les gouvernements n’arrivent pas à se mettre d’accord sur des projets à financer en commun ni à en trouver le financement, comme le montre le plan Juncker. Et pourtant ils existent : les plus urgents, ceux qui s’imposeraient le plus aujourd’hui, portent sur les moyens de sécurité, de surveillance, et de défense. Comme aux États-Unis leur financement est urgent et sera populaire : comme toujours, c’est la défense qui crée l’urgence.

Aussi, au moment où l’internet des objets va permettre de tout savoir des comportements de chacun, pour nous aider à nous repérer, nous soigner, nous distraire, choisir un restaurant ou un magasin, il serait parfaitement possible de disposer de moyens technologiques pour surveiller tout comportement suspect, sans pour autant avoir à déployer des moyens démesurés de surveillance physique, et dans le respect des libertés publiques et de la vie privée des honnêtes gens. Pour y parvenir, il faudrait déployer des réseaux, des logiciels et des outils dont nos services de police et nos armées ne disposent pas pour l’instant, alors qu’ils existent dans d’autres pays menacés par le terrorisme.

C’est ensemble que les Européens doivent concerter leurs défenses et organiser leur sécurité, avec les moyens les plus modernes. Et en particulier les pays en première ligne : France, Allemagne, Italie, Belgique, Pays bas. Qui se trouvent être, justement les premiers pays signataires du traité de Rome.

Il suffirait pour cela que, sans attendre que d’autres drames les y contraignent, les dirigeants de ces pays aient le même courage, la même lucidité, la même capacité d’anticipation, face à une menace, que Jefferson, Madison, Hamilton, et Washington.
Et si ces dirigeants, en particulier en France et en Allemagne n’ont ni ce courage, ni cette imagination, ni cette audace, il faudra en changer.