A  moins de six semaines  d’un scrutin qui va décider du sort de l’Europe pour cinq ans,  presque personne ne parle des enjeux de cette élection des députés au Parlement européen ; personne ne s’intéresse aux programmes des partis ; personne n’en débat. Et pourtant, jamais ces élections   n’auront été si importantes : le continent connait sa plus profonde récession depuis 60 ans. Les banques européennes sont en crise sans que   leurs régulateurs n’y voient goutte. Le chômage explose sans qu’une politique d’ensemble ne  soit définie.   Le Traité qui assure  la discipline budgétaire  de l’Union a volé en éclats devant les menaces de  dépression. Celui qui assure son unité commerciale pourrait aussi exploser en raison de diverses formes de protectionnisme,  de  concurrence fiscale et de    surenchère des déficits.   A terme, c’est l’existence même de l’euro, et de l’Union qui se joue. Mais de cela, nul ne semble s’inquiéter.

Pourtant, bien à l’avance, les politiciens   avaient fait  l’effort de définir des programmes cohérents, communs aux partis équivalents dans chacun des 27 pays membres : le  Parti de la Gauche Européenne (PGE)  (auquel sont intégrés le Parti Communiste et le NPA), le Parti socialiste européen (PSE)   , et l’Alliance des Démocrates et des libéraux pour l’Europe  a    publié très tôt  leurs programmes. Le  Parti Populaire Européen (PPE) (qui regroupe   74  partis de droite,  dont l’UMP),   le Parti Démocrate Européen (PDE), (qui réunit les partis centristes, tel le Modem), et le  Parti Vert Européen  viennent d’en faire  autant ou se préparent à le faire.

Tous ces programmes ont des points communs : Tous parlent   d’un nécessaire  renforcement de la défense européenne.    Ils   proposent tous relancer la croissance par l’économie verte, de   fixer une part des énergies renouvelables à 20% ou   25% en 2020 et 80% en 2050, de développer  de grands réseaux transeuropéens de fret, de TGV,  de transports fluviaux et maritimes, d’Internet haut débit,  de relier  le continent aux parcs éoliens du nord et   aux   installations solaires de l’Europe du sud,   de   promouvoir l’isolation des bâtiment .   Tous parlent aussi, en termes voisins,  de  maîtriser,  dans le respect de nos valeurs, le flux migratoire par un système de « carte bleue ».

La droite demande l’élargissement du marché unique à la propriété intellectuelle, à l’énergie, aux services postaux, aux chemins de fer, à la santé. La gauche le refuse et demande plus de protection sociale : Le PGE propose un durée de travail légale de 40 heures, un salaire minimum européen égal à au moins 60% du salaire moyen national, ce que reprend le PSE  qui demande aussi la garantit de l’intégrité des services publics, l’augmentation de l’effort d’éducation  et l’amélioration  des  droits des salariés face aux licenciements.

On pourrait espérer qu’on parle de tout cela, au moins pendant un mois. Et  même que,  devant la profondeur de la crise, on ose aller plus loin, et   qu’on réfléchisse à la nécessité pour l’Union  de se doter d’un budget   beaucoup plus dynamique,   de lever des emprunts, de lancer des grands travaux, d’harmoniser les  fiscalités,  de  coordonner  les politiques économiques,   la surveillance et le contrôle des banques, de lancer  des coopérations renforcées en matière d’énergie, de transport, de communication  , de nanotechnologies,  de biotechnologie.

On pourrait enfin  faire choisir par les peuples  le président de la commission, jusqu’ici désigné par des manœuvres de couloir, qui ont  toujours amené à ce poste, Jacques Delors mis à part,  des hommes politiques assez médiocres pour ne pas porter ombrage  aux chefs de gouvernement qui les choisissaient.

Si  tout cela ne se produit pas, si l’Europe  reste  absente de son propre destin, les électeurs, c’est-à-dire nous, ne pourrons nous en prendre qu’à nous-mêmes.