Non, Beppe Grillo  n’est pas Coluche. Michel Colucci n’aurait jamais soutenu que le « sida est la plus grande farce du siècle « ,  inventée par l’occident, niant qu’il  est un virus transmissible. Ni prétendu  sans la moindre preuve, qu’une respectée lauréate italienne  du prix Nobel de médecine, Rita Levi-Montalcini,  avait obtenu son prix en faisant corrompre le jury par une firme pharmaceutique. Il n’aurait pas expliqué que  les tests de diagnostic précoce du cancer sont dangereux, ni  que l’informatique est l’invention du diable. Il n’aurait pas non plus renvoyé dos à dos un parti de droite dirigé par un homme d’affaires beau parleur et corrompu, propriétaire de l’essentiel des medias du pays, qui a déjà, en la dirigeant,  conduit l’Italie à la ruine,  et un parti de centre gauche, dirigé par un homme honorable mais sans charisme, au programme honnête et lucide.

Si un quart des Italiens ont voté pour lui, ce n’est évidemment pas pour soutenir de telles stupidités. Mais juste pour dire qu’ils en ont assez de voir la vieille  classe politique refuser de laisser la place à des jeunes de talent. Et ils existent, tel le jeune maire de Florence, battu dans des primaires incertaines d’une gauche aussi conservatrice que la droite.

C’est aussi parce que les Italiens n’ont vu de la politique de Mario Monti que la pilule amère à avaler sans avoir eu le temps de juger de l’impact qu’auront à terme les quelques réformes de structures qu’il a initié.

C’est aussi, et sans doute surtout, parce que les citoyens, en Italie et ailleurs, en ont assez de voir les hommes politiques manquer de courage et ne pas leur dire la vérité.

Et la vérité est tres simple : Dans le monde qui vient, qui aura bientôt 9 milliards d’habitants, avides d’apprendre,  de produire, de créer et de consommer, nos vieilles nations d’Europe ne pourront conserver leur formidable niveau de vie qu’à condition de choisir clairement entre deux stratégies: se replier sur des cités-états  fermées sur elles-mêmes, et abandonnant leur environnement au déclin,  ou se regrouper en une vraie puissance européenne, politiquement unie,  de la taille des grandes nations-continents de demain.

Pour cela, il faut prendre acte de ce que le nécessaire désendettement passe autant par la croissance que par la rigueur. Que la rigueur seule aggrave la dette ;  que l’euro ne peut-être le simple prétexte d’une austérité qui ne mène  à rien, sinon au chômage de masse ;  que sans réforme institutionnelle majeure, lui donnant les moyens de la croissance, toute l’eurozone aura bientôt le statut de la Grèce, et  qu’il lui faudra  alors  renégocier avec ses  créanciers, dans des conditions extrêmement pénibles.

Au total,  la croissance suppose une politique volontariste que seul peut décider une nation-continent ou une cité-état. Etre la Chine ou Singapour. Etre Venise ou les Etats-Unis d’Europe.

Voilà ce que signifie cette montée d’un populisme incertain. Elle constitue un appel  à la décision. Si les démocraties n’en sont pas capables, elles seront balayées par des gouvernements autoritaires, qui décideront, et  prendront au pied de la lettre les propositions de Grillo et de ses semblables.

Il n’y a plus de place pour les demi-mesures. Les faux semblants.

Tout petit. Ou tres grand. Il faut choisir. Et vite.

j@attali.com