Le peuple tunisien vient de franchir un pas considérable. Il est désormais en charge de son destin. Il doit disposer de tous les moyens de réussir. La France, l’Europe, le monde démocratique doivent tout faire pour l’appuyer.

La Tunisie court en fait  aujourd’hui un grand danger: la crise a fait fuir les touristes et a ralenti l’activité économique. Il est fort probable que la croissance en 2011 sera bien moins élevée que prévue, ce qui veut dire que le chômage, une des causes profondes de la révolution du jasmin, va encore s’aggraver. Les agences de notation, avec leur clairvoyance habituelle, ont dégradé ce pays, rendant plus difficile les investissements étrangers.

Si rien n’est fait, le peuple sera déçu par ses nouveaux gouvernants et se tournera vers d’autres: ce n’est pas par hasard si les islamistes se font discrets au point de ne pas présenter de candidats à la prochaine élection présidentielle. Ils attendent en fait un échec de la révolution de jasmin pour apparaître comme un recours.

Il est donc urgent d’aider la Tunisie. Or, pour l’instant, tout le monde hésite. Les uns parce que leurs intérêts étaient trop longtemps liés à l’ancien régime pour qu’ils comprennent ce qui se jouent et parce qu’ils pensent qu’aider une révolution en Tunisie c’est remettre en cause une séculaire politique arabe, pourtant aujourd’hui obsolète. D’autres parce qu’ils ont peur que des mouvements islamistes ne prennent rapidement le dessus et récupèrent les aides versées. Et d’autres encore, au contraire, parce qu’ils parient sur une victoire des islamistes et préfèrent attendre les vainqueurs suivants avant de voler au secours de l’ultime pouvoir.

Attendre, ne rien faire, se laver les mains serait une très grave erreur. En particulier pour la France qui a tout à gagner à faire évoluer les riverains de la Méditerranée vers la démocratie.

Pour y parvenir, la Tunisie a besoin d’une aide budgétaire rapide, que la France peut lui apporter, sans que cela grève ses finances publiques. C’est dans notre intérêt. C’est aussi celui des autres pays de l’Union européenne. Tous doivent se mobiliser. Cela concerne aussi la Banque européenne d’investissement, le Fonds monétaire international. Et la Banque mondiale. Et toutes les autres institutions internationales, à commencer par la Banque africaine de développement, dont le siège est à Tunis. Tous doivent aller vite, comme on le fit en Europe de l’Est en 1991. Ce serait ainsi un signal donné au reste du monde: tout peuple qui prend son destin en main avec courage sera aidé par les autres démocraties.