Les représentants de la Coalition nationale syrienne, qui rassemblent les principaux dirigeants de l’opposition,   viennent de renoncer à  se rendre à Washington et Moscou et à  la conférence à Rome du groupe des « Amis de la Syrie », pour  protester  contre  l’absence de réaction de ces « amis »  face aux destructions, par des   missiles des  armées  d’Assad , de la vieille ville d’Alep, carrefour  des cultures  depuis quatre mille ans,  où   Hittites, Assyriens,  Akkadiens,  Grecs, Romains,   Omeyyades,   Ayyoubides,  Mamelouks et  Ottomans   ont laissé leurs empreintes avec des palais, des citadelles, des mosquées, des madrasas,  des khans, des bains publics, dans un fascinant dédale de rues.

Commence maintenant la  troisième année  de la révolte,  contre un dictateur, fils de dictateur, d’un peuple courageux   qui, contrairement à  ce qui s’est passé en Chine après la répression de juin 1989 et en Iran après celle de  2009,   ne s’est pas couché au premier massacre.

Le monde assiste sans réagir à l’assassinat  de ce  peuple par sa propre armée :   70.000 morts ;  4  millions de  sans-abri, abandonnés sans  nourriture ni soin en Syrie ;   et plus de 700.000 réfugiés dans les pays voisins. Pour une population trois fois inférieure à celle de la France.

Tous les prétextes ont été avancés pour ne pas intervenir. Ils sont tous discutables : La Syrie aurait une véritable armée, et nul ne pourrait espérer  la vaincre : autrement dit, on ne soutient les peuples que si c’est militairement  facile. La Syrie serait trop lointaine : elle est pourtant moins loin de l’Europe que l’Irak et  l’Afghanistan, et pas plus loin des Etats-Unis que la Lybie ou de la France que le Mali. Les pays occidentaux seraient ruinés, et ne pourraient plus financer de telles expéditions : cela ne les empêchent pas de gaspiller des fortunes  bien plus grandes à  bien d’autres folies.  Il n’y aurait pas d’unanimité aux Nations Unies pour le faire : cela n’a pas empêché l’attaque  de  Tripoli, que la Russie n’avait pas autorisée.  On ne voudrait pas, comme en Lybie, donner des armes aux Islamistes, qui formeraient l’essentiel des révoltés, ni nuire aux Chrétiens, qui resteraient sous la protection d’Assad : c’est justement en aidant pas les démocrates syriens qu’on précipite la victoire des intégristes.

Même l’aide financière est tres faible : si le Qatar vient d’offrir 75 millions d’euros, et si les pays donateurs ont promis  un milliard d’euros d’aide, cette aide tarde à arriver et  les deux tiers  sont  pour les  pays qui accueillent des réfugiés.

En agissant ainsi, l’Occident a tout à perdre : si Assad reste au pouvoir,  ce qui est peu vraisemblable, l’occident aura encore un peuple martyr sur la conscience et  on continuera,  en  terre d’Islam,  à associer  laïcité, occident et massacre.  Si Assad est balayé, ce qui est le plus probable, un nouvel état islamiste s’installera  sur la totalité ou une partie de la Syrie d’aujourd’hui, la région côtière restant  peut être aux mains des alaouites.

Que faire ?

Au moins, accorder  une aide massive, rapide, et tres visible  aux   réfugiés dans les camps,   et  surtout au gouvernement laïc  qui va maintenant tenter de s’installer dans les zones libérées de la Syrie pour en organiser la reconstruction, le fonctionnement, et la défense.

Aussi, déployer une force d’interposition entre les belligérants, comme le propose le Qatar.

Au plus, utiliser des drones pour guider les armes des  révoltés et même pour  clouer au sol l’aviation d’Assad.

Tout cela est encore possible.

j@attali.com