Il serait temps, en France, de se préparer au double choc à venir de la crise bancaire et de la crise des finances publiques. Il vient. Il sera là bientôt. Et personne ne réfléchit assez au scénario du pire ; comme s’il suffisait, pour le conjurer, de ne pas y penser.

Voici ce que serait son déroulement, en dix étapes :

1.   La Grèce, n’ayant plus les moyens de financer ses déficits, arrête de rembourser ses créanciers, de servir une partie de ses retraites, de payer une partie de ses fonctionnaires. Toutes les banques lui ayant prêtées et toutes les entreprises qui lui vendent des armes et autres produits de première nécessité subissent des pertes. La Grèce ne sort pas alors pour autant de la zone euro : aucun traité ne l’y contraint, ni même ne le rend possible ; de plus, nul ne peut forcer les Grecs à convertir les euros qu’ils détiennent en une drachme de moindre valeur.

2.   Pour renflouer ce pays, l’Eurozone refuse alors d’utiliser les maigres ressources du Fonds de Stabilisation Européen, et de créer des eurobonds (qui n’ont de sens qu’avec une fiscalité européenne, pour les rembourser, et un contrôle européen des déficits des budgets nationaux, pour éviter d’en faire un mauvais usage).

3.   Faute d’instruments financiers européens suffisants, les autres pays de l’Union abandonnent la Grèce à son sort.

4.   Les marchés, c’est-à-dire pour l’essentiel les préteurs d’Asie et du Moyen-Orient, s’inquiètent de cet abandon et font payer de plus en plus cher leurs capitaux au Portugal, à l’Espagne, à l’Italie.

5.   La crise s’étend à la France, quand on réalise que sa situation financière n’est même pas aussi bonne que celle de l’Italie (dont le budget, hors service de la dette, est en excédent, à la différence de celui de la France), et quand on mesure que ses banques et compagnies d’assurances portent une large part de la dette publique des pays périphériques et détiennent encore massivement des actifs toxiques, sans valeur aujourd’hui.

6.   Pour éviter l’effondrement de ces banques, on cherche des actionnaires, privés ou publics. En vain : il faut trouver, pour les seules banques françaises, l’équivalent de 7% du PIB.

7.   En panique, la Banque Centrale Européenne consent alors un financement massif à ces banques, réglant une nouvelle fois un problème de solvabilité en fournissant de la liquidité.

8.   Horrifiée de ce laxisme, l’Allemagne sort alors de l’euro et crée un « euro+ », selon un plan déjà bien préparé qui, selon une banque suisse, coute à chaque citoyen allemand entre 6 et 8000 euros la 1ère année, puis 3500 à 4500 annuels.

9.   L’explosion de l’Euro révèle alors aux marchés que les banques anglo-saxonnes ne vont pas mieux, parce qu’elles ne se sont pas débarrassées, elles non plus, de leurs produits toxiques et parce que la bulle immobilière n’est plus là pour faire illusion.

10.   C’est alors l’effondrement du système financier occidental, une grande dépression, un chômage généralisé, et à terme, la remise en cause, même, de la démocratie.

On n’exorcise pas une telle tragédie en refusant d’y réfléchir. Et puisque les gouvernements ne semblent pas prêts à agir sérieusement pour l’éviter, pourquoi ne pas demander au Parlement européen de se réunir en session extraordinaire, de se déclarer « Assemblée constituante », votant la mise en place d’un véritable fédéralisme budgétaire, dont dépend la survie de tout ce que nous avons construit, depuis que l’Europe a renoncé à la barbarie. Il n’y a pas si longtemps.