Henri Queuille ne fut pas un homme politique médiocre.

Médecin, député de Corrèze, résistant antigaulliste, 5 fois ministre, surtout de l’agriculture, sous la 3eme république et quatre fois président du conseil sous la 4eme, très populaire, créateur du crédit agricole et du génie rural, il ne restera injustement dans l’histoire que pour une phrase assassine qu’on lui prête: « Il n’est pas de problème qu’une absence de solution ne finisse par résoudre ».

En cette période de reconstruction, d’euphorie postérieure à la  Libération, où les gouvernements jouèrent un rôle marginal et injustement décrié, cette phrase faisait sens : l’inaction de l’Etat n’empêchait pas la croissance de l’économie de créer des emplois et de réduire peu à peu les pénuries héritées de la guerre et de l’occupation.

Depuis, beaucoup ont, avec cette phrase, théorisé leur lâcheté, laissant à d’autres, ou au hasard, ou au destin, le soin de faire à leur place les choix difficiles.

Ils renvoient, inconsciemment, à l’idée qu’un sauveur religieux ou laïc, arrive toujours à temps. Qu’il se nomme Messie, Zorro, ou la cavalerie.

Bien des gens l’appliquent à leur vie privée, à leur carrière. Bien des hommes politiques y trouvent la justification de leur inaction.

Il est pourtant évident que si, entre 1940 et 1945, anglais, américains et russes avaient appliqué cette doctrine, Hitler serait mort dans son lit, au pouvoir, et l’Europe serait encore aujourd’hui divisée en deux empires, l’un noir et l’autre rouge.

Car, parfois, le sauveur attendu n’arrive pas: « Soudain, joyeux, il dit : « Grouchy ! » – C’était Blücher » écrit Victor Hugo pour raconter en huit mots la bataille de Waterloo.

Aujourd’hui, le « Queuillisme » domine encore le monde. C’est à cause de lui qu’on laisse le climat à la dérive, que les dettes publiques augmentent partout. C’est à cause de lui que tant de problèmes internationaux empirent, que la frontière entre Israël et la Palestine reste incertaine, qu’on a laissé le Kurdistan en première ligne face à l’évidence d’une résurgence du fondamentalisme sunnite, et que tant d’autres problèmes, parfaitement prévisibles, surgiront bientôt.

C’est aussi à cause de lui qu’on accepte l’hémiplégie de la construction européenne, alors qu’on sait très bien que l’euro n’a pas d’avenir sans un fédéralisme politique entre les pays qui le partagent.
C’est enfin à cause de lui que 3 présidents de la république successifs ont laissé, en France, les problèmes s’accumuler ; qu’aucune réforme de structure n’est amorcée, que l’école part à la dérive, que le nombre de jeunes sans formation augmente inexorablement. Et tant d’autres problèmes que le temps ne réglera pas de lui-même.

De même, aucun de nos problèmes de travail ou de vie privée ne se résoudra si nous n’agissons pas pour les résoudre à notre avantage.

Non, l’inaction n’est jamais une solution. Non, se tromper n’est jamais pire que de ne rien faire. Non, la lâcheté, dans la vie publique comme dans la vie privée, n’est jamais porteuse d’avenir.
En ces temps difficiles, où la résistance, le courage s’imposent, le Queuillisme est l’ennemi et il faut inverser sa maxime: « Il n’est pas de problème qu’une absence de solution ne fasse empirer ».
Encore faut-il avoir une solution à proposer et le courage de la mettre en œuvre.