A ce proverbe passé dans la sagesse popu­laire, dont j’ai fait le titre de cette Perspective, Nietzsche répond, dans Le Crépuscule des idoles, par son fameux « ce qui ne me tue pas me rend plus fort », locution qui renvoie, elle, à la fonction même du vaccin (inoculer le mal pour en protéger), et à cette idée, si profonde, selon laquelle un « bruit » peut détruire un ordre ou, au contraire, aider à le réinventer, selon la façon dont l’ordre est capable d’entendre ce « bruit ». Qu’en est-il du terrorisme, selon ce point de vue ? Est-il uniquement source de chagrins personnels et de malheurs collectifs ? Va-t-il détruire nos âmes et nos démocraties, en nous poussant à la vengeance absurde et à la renonciation à tous nos principes ? Ou bien peut-on imaginer que la réponse qu’on lui donnera aidera nos sociétés, et chacun de nous, à résoudre de grands problèmes trop longtemps négligés ?

Si nos sociétés savent entendre ce que dit cette vague de folie, si elles gardent leur sang-froid face à cette guerre mondiale disséminée, elles en tireront cinq conclusions très positives pour leur avenir :

1. Consacrer beaucoup plus de moyens à notre sécurité. En augmentant sensiblement les budgets concernés (défense, police et justice), en favorisant le développement des entreprises du secteur, en mobilisant la nation tout entière, de la réserve à la garde nationale, de l’école à l’entreprise, dans cette prise de conscience et cette volonté de se battre pour nos valeurs.

2. Mettre en commun, entre tous les pays de l’UE, des moyens nouveaux, financés par des ressour­ces européennes nouvelles, pour assurer la défense de nos frontières et gérer les flux de migrants, qui n’en sont qu’à leurs débuts. Le projet européen retrouvera ainsi, enfin, un sens éminemment rationnel et politique.

3. Mettre enfin en place une politique massive pour l’emploi des jeunes, en particulier ceux n’ayant pas reçu de formation professionnalisante. On sait très bien quoi faire, avec peu de moyens, pour que chaque jeune puisse avoir sa chance de se réaliser dans la société, et y être utile.

4. Mettre en place, dans notre système éducatif, les éléments nécessaires au réveil du désir de vivre ensemble, du port de l’uniforme à l’école à la cérémonie de majorité, de l’enseignement de la laïcité à celui des religions. Tout cela redonnera sens à l’idée d’appartenance à une communauté nationale.

5. Favoriser, dans le monde associatif et social, toutes les associations cultuelles et culturelles, sportives et artistiques, rapprochant les Français dans des projets communs.

Une telle politique aurait non seulement un impact très positif sur notre sécurité, mais aussi sur la croissance, l’emploi et la joie de vivre ensemble. Cela fait longtemps qu’elle est possible et néces­saire.

On se prend à rêver que, devant des événements aussi tragiques que les attentats, une classe politique enfin lucide et courageuse décide, au cœur de l’été, de se rassembler, de mettre de côté les petites rivalités pour oser lancer, dès septembre prochain, un tel programme d’union nationale.

Sans pression externe, les hommes politiques français ne le feront pas : ils sont tout aussi in­ca­pables de s’unir pour mettre en place un tel program­me que d’élaborer des programmes diffé­rents pour la prochaine élection présidentielle. Si le pays le veut, il lui faudra l’imposer. On ne peut imaginer plus important devoir de vacances.