Il faudrait espérer que, pour une fois, une catastrophe soit transformée en bonne nouvelle. Certes, la fuite du puits en eau profonde de BP dans le golfe du Mexique est une catastrophe pour l’écosystème ; elle l’est aussi pour l’économie locale, qui devra interrompre d’innombrables activités ; pour le Président Obama, qui a autorisé ces forages en eaux profondes ; pour les 28 autres puits en exploitation dans le golfe du Mexique, menacés de fermeture. Pour les actionnaires de BP, (dont des millions de retraités britanniques) dont le patrimoine a perdu 50Mds$, et qui ne devraient rien recevoir le 27 juin prochain, alors que 10 Mds$ devaient leur être distribués. Pour la compagnie, qui pourrait avoir à dépenser 40 Mds $ pour payer tous les dommages, à emprunter plus que les 20 milliards que son bilan lui permet de trouver facilement sur les marchés et même être menacée de faillite politique, comme Yukos en son temps, à un moment où aucune assurance n’accepte plus de la couvrir, sauf à un prix prohibitif ; pour le gouvernement britannique, dont l’image internationale est ternie par une compagnie qui ne porte pourtant plus le nom du pays depuis 1998 ; pour les relations transatlantiques, très profondément touchées, alors que, dans une situation symétrique, en 1998, les Anglais n’avaient pas accusé les Etats-Unis de la mort de 167 personnes, sur un puits en mer du Nord opéré par une entreprise américaine cruellement défaillante ; une mauvaise nouvelle enfin pour l’Europe, qui, une fois de plus, n’a aucune stratégie, alors que son autonomie énergétique est menacée par la réduction des investissements d’une de ses plus grandes entreprises, pour le plus grand profit financier et politique des pays du Golfe et de leurs compagnies pétrolières nationales.

Pourtant, cette catastrophe pourrait se transformer en bonne nouvelle ; si elle était l’occasion de comprendre que, comme la crise des subprimes, la cause profonde n’en est pas dans l’imprudence spécifique des pétroliers, (après celle des banquiers) mais dans l’inconscience collective face au risque, dans la volonté absurde des Américains de consommer plus que ce dont ils ont les moyens : Comme ils ont hypothéqué l’avenir en s’endettant, ils le font en consommant 20% du pétrole mondial, alors qu’ils n’en produisent que 2% et qu’ils ne représentent que 5% de la population mondiale. Et comme ils ont cédé à leurs lobbies bancaires, ils ont obéi à leur lobbys pétroliers.

On peut alors rêver de voir l’Amérique et l’Europe comprendre qu’elles ne peuvent laisser à leurs compagnies productrices d’énergie, si fondamentales pour l’avenir de nos pays, tout le poids de la réparation des imprudences que les gouvernements leur ont demandé de commettre. Et qu’elles doivent lancer une action radicale, pour consommer beaucoup moins de pétrole, et tres vite. En tout cas, cette crise constitue comme un ultime avertissement, avant que le peak oil, ( prévu par certains pour 2015, et dont l’occurrence sera accéléré par le ralentissement des forages en eau profonde), ne mette fin au pétrole à bon marché, ne fasse la fortune des pétroliers et ne précipite la ruine des nations .