Lancer de Grands Travaux, pour relancer la croissance est une très bonne idée, et le président de la République a eu raison de la proposer. Mais pourquoi diable parler d’un Grand Emprunt pour les financer, alors que les déficits internes et externes du pays explosent à des niveaux jamais atteints dans l’histoire, creusant la dette, dont le service est déjà le premier poste du budget, et dont le cout deviendra mortel quand les taux d’intérêt augmenteront ?

Et de quels investissements parle-t-on ? S’ils sont déjà prévus dans le budget, ou devraient l’etre, cela veut dire que le Grand Emprunt ne vise en réalité qu’à débudgétiser des dépenses, pour laisser plus de place dans le budget à des dépenses de fonctionnement. Et s’ils ne le sont pas, il faut encore apporter la preuve qu’ils sont rentables et utiles.

Il est donc préférable de financer les grands projets évidemment nécessaires (le numérique, les nanotechnologies, les biotechnologies et le solaire) par les moyens publics et privés existants. En particulier, par les banques (encore trop frileuses), les fonds d’investissements et les compagnies d’assurances, en empêchant ces dernières d’obéir aux absurdes règles à venir de Solvabilité II, qui vont leur interdire d’investir dans les entreprises non cotées.

Si, malgré tout, le pouvoir politique s’entête et maintient l’idée d’un emprunt public supplémentaire, celui-ci ne devra pas augmenter les déficits ; et pour cela, il ne devra financer que des investissements permettant à l’Etat de faire les économies nécessaires pour le financer ; autrement dit des investissements favorisant la réduction des dépenses, l’augmentation des recettes et de la qualité des services publics.

J’en déduis deux grands projets, très loin des modes actuelles et très loin d’etre pris au sérieux :

1. Un programme majeur d’e-administration visant à dégager chaque année 15 milliards d’euros d’économies pour l’État , par la numérisation du recouvrement des cotisations sociales, des recrutements aux emplois publics ; par des simplifications numériques des procédures administratives et du coût des démarches administratives demandées aux entreprises ; par la création d’un guichet unique virtuel agrégeant les services des différentes administrations ; par le traitement centralisé et dématérialisé des factures, des flux entre administrations, et de la sécurisation des données; par la dématérialisation les services à la personne tels le Chèque Emploi Service Universel ; par une bourse Internet du logement social et la numérisation du patrimoine culturel.

2. Investir dans la formation, la gestion de carrière et les conditions de travail des agents publics, de l’école à l’hôpital en passant par la poste, la police ou la justice, pour que chacun d’eux trouve une raison d’etre, améliorant par la même la qualité du service public. Pour qu’à la modestie des salaires du public ne s’ajoutent pas l’humiliation par les petits chefs et l’écrasement par des bureaucraties ; et pour qu’on apprenne enfin à traiter les usagers comme des clients.