L’essentiel de la crise actuelle est, pour le commun des mortels, extrêmement abstraite : difficile de comprendre la voltige de ces milliers de milliards, devenus l’unité de compte des désastres bancaires et des déficits publics. Difficile de comprendre les mécanismes des  spéculations  (CDOs, CDS, Subprime, Alt-A,  monolines, etc.) ; et plus encore  ceux   des solutions proposées (Plan Geithner).

Les uns comme les autres évoluent dans un autre univers que celui des vrais gens, qui  savent seulement que cette accumulation d’abstractions  entraine  pour eux deux conséquences épouvantables : le chômage et le  surendettement.

Déjà, aux Etats-Unis,  des centaines de milliers, bientôt des millions de gens, renvoyés de leur emploi, ayant perdu leur revenu, incapables de rembourser leurs emprunts,  sont chassés de chez eux.  Sans aucune pitié. Sans aucune discussion.

En France, pour l’instant, la seule manifestation véritablement concrète de la crise, c’est l’aggravation du   chômage, par les licenciements, l’interrupruption des contrats à durée déterminée, et le non-recrutement de la plupart des jeunes à la recherche d’un emploi.  Cela  n’a pas encore, semble-t-il, aggravé très considérablement  les taux d’impayés des crédits. Cela ne saurait tarder : le surendettement sera la conséquence inévitable du chômage. On verra, comme en Amérique,  (et malgré nos lois en principe protectrices des emprunteurs), des millions de gens trainés devant les tribunaux et tenus de rendre les clés de leurs voitures ou de leurs logements.

Avant que tout cela ne dérape dans une  véritable tragédie sociale, il serait essentiel de concentrer toute l’action publique sur   ceux qui sont atteints ou menacés de chômage, pour  faire en sorte que  nul ne risque  de perdre un revenu minimal décent. Tout le reste (construction d’autoroutes ou subventions aux entreprises) devrait etre mis de coté : si les gens retrouvent une prévisibilité de leurs revenus, la crise n’est plus une source d’angoisse et la croissance peut revenir.

Pour cela, trois mesures s’imposent, de toute urgence :

  • Prolonger d’un an l’indemnisation du chômage en maintenant le revenu  moyen des chômeurs actuels et de tous ceux qui pourraient etre touchés. Le cout (autour de 8 Mds d’euros par an pour 500.000 chômeurs de plus) ne représenterait  que  le tiers   du plan actuel  de relance.
  • Transformer le statut du chômeur, (qui se vit comme une situation d’échec, recevant une subvention publique), en un statut de travailleur, ayant comme travail de rechercher un emploi et de se former, bénéficiant d’un contrat de travail spécifique, dit « contrat d’évolution » signé avec la collectivité.  C’est tout à fait finançable,  dans le  cadre des budgets actuels du Pole Emploi et de la  formation permanente.
  • Se préparer à étaler les dettes des gens menacés dans leur travail. En particulier en appliquant avec la plus extrême rigueur les lois qui , en France, protègent les emprunteurs des turpitudes des sociétés de crédit à la consommation, et en mettant en place rapidement, pour toute personne acceptant de signer un contrat d’évolution, un processus d’étalement de son crédit logement.

·                                                      Tout cela est faisable. Vite. La perception de la crise changerait alors  complètement de nature. Et sa réalité avec elle.