Le lapsus du premier ministre, qui s’explique peut être par la fatigue due au décalage horaire, est bienvenu : On ne peut pas continuer à  refuser de reconnaitre que   la rigueur s’impose, de façon urgente : Nos déficits sont abyssaux, tant ceux de l’Etat que  de la sécurité sociale, des collectivités locales et des autres services publics. Pour l’instant, on les finance par des emprunts, qui financent eux-mêmes des emprunts, c’est-à-dire de la cavalerie, dans des conditions parfois scandaleuses, comme pour la sécurité sociale.

Ce qui est annoncé pour le financement des  retraites ne règle qu’une petite partie de ce qui serait nécessaire pour ces dépenses,  qui ne repensent même  pas le quart du total des économies à réaliser par ailleurs.  Le budget de 2010 est exécuté avec un laxisme total. Le budget 2011 est construit sur des hypothèses de croissance malheureusement absurdes, et il manquera sans doute 10 mds d’euros, au moins, à la fin de l’année, pour tenir les engagements pris. Ce qui s’ajoutera aux 60mds qu’il  faudra trouver en 2012 et 2013 pour empêcher la dette de  croitre au-delà de 90% du PIB. Et on ne dit pas  non plus au pays qu’il  faudra  poursuivre le  même effort pendant 10 ans, qui que ce soit qui soit  au gouvernement,  pour réduire la dette autour de 65% du PIB, ce qui est sans doute, dans la situation française, le maximum tolérable.

Personne n’a le courage de dire tout cela.  Ni au gouvernement, ni dans l’opposition. Le gouvernement semble vouloir défendre tous les grands privilèges, pendant que la gauche semble vouloir préserver tous les petits.  Dans notre pays, qui décline sans vouloir l’admettre, l’alliance des grosses fortunes héritées  et des  petits avantages acquis fonctionne à plein ;  la connivence des grands et petits  rentiers (docker, professeur, journaliste, chef de service à l’hôpital ou  chef d’entreprise),   impose sa loi à tous.  Tous ces gens là se liguent  avec succès pour éviter que la rigueur ne touche à leurs privilèges.

Les autres, tous les autres, (pauvres, sans relations,  jeunes ou étrangers),  n’ayant aucun avantage acquis, sont les victimes désignées du déclin qui commence. Le tour des autres viendra. Mais il sera alors trop tard pour éviter la catastrophe.

La rigueur socialement juste doit devenir une banalité,  dans tous les secteurs de la société ; elle doit être une règle de conduite durable. Elle suppose qu’un  pacte social soit reconstruit,  que  les Français aient  le sentiment qu’ils sont tous également traités, que leurs enfants conservent une chance de mobilité sociale et en particulier qu’on ne considère pas les banlieues seulement comme un champ de bataille pour les forces de police.

Les  victimes de ce système, pour l’essentiel les jeunes sans héritages,  « enfants de personne »,   sentent bien que cette rigueur socialement juste ne s’imposera pas par le seul jeu naturel de la démocratie.  Ni avec un gouvernement de droite. Ni avec un gouvernement de gauche.  Pour l’instant, ils partent. C’est peut être le mieux  qui puisse arriver à ceux qui gouvernent, ou aspirent à gouverner : si ces jeunes-là  restaient, et réclamaient leur du, rien ne resterait de ces privilèges.  D’une façon ou d’une autre, ils imposeraient, ils  imposeront un jour,  une juste rigueur.