Trois mots ; deux pays et un homme, résument ce que peut devenir le monde. Chacun d’eux incarnent une réalité locale d’aujourd’hui, qui peut devenir une dimension de l’avenir de la planète toute entière.

Le Japon est encalminé dans la crise depuis que, il y a vingt ans, explosa une bulle immobilière, mettant à jour les crédits pourris et souvent mafieux accordés par les banques. Depuis lors, rien n’y a fait : les banques prêtent à guichet ouvert à taux d’intérêt nul ; la dette publique est la plus élevée du monde ; et pourtant, malgré le formidable niveau technologique du pays, la croissance est quasi nulle. Et si le chômage n’explose pas, c’est parce que la démographie est désastreuse.

Touchés par une crise identique, d’un système bancaire tout aussi pourri, obsédés par l’idée d’éviter un tel avenir, les Etats Unis, où le chômage réel atteint 17% de la population active, font tout pour maintenir en vie les entreprises et soutenir les cours de Bourse, dont dépend le patrimoine de beaucoup d’Américains . Et pour cela, ils prêtent, comme le Japon le fait depuis 20 ans, de façon illimitée l’argent nécessaire pour maintenir la liquidité du système : la FED achète toutes les créances que lui présentent les banques. On finance la dette par la planche à billets. Alors qu’en janvier 2007, le bilan de cette Banque centrale approchait les 1200 milliards de dollars, il atteint 2300 milliards en 2010. Peu de gens s’en inquiète. Un des rares acteurs lucides, Bill Gross, président de PIMCO, premier créancier privé des Etats Unis, vient justement de qualifier cette stratégie « d’arnaque pyramidale à la Ponzi », c’est-à-dire le mécanisme qu’utilisait Madoff, qui payait ses créanciers en utilisant l’argent d’autres préteurs. Et la Banque Centrale Européenne, malgré toutes ses protestations vertueuses, agit de même rachetant les créances plus ou moins douteuses de ses membres.

En agissant ainsi, les gouvernements occidentaux donnent en fait tout pouvoir au système financier, qui dispose chaque jour de munitions de plus en plus lourdes pour allouer les capitaux là où ses intérêts sont le mieux servis. D’immenses masses de capitaux spéculent sur les monnaies, déterminent les taux de change, et emportent les gouvernements.

Alors, pour se donner l’illusion d’exister, les chefs d’Etat et de gouvernement se réunissent, font des photos, signent des communiqués, comme on le verra à la prochaine réunion du G20 à Séoul, qui se terminera, comme les précédents, par un communiqué triomphant, espérant que personne n’aura le mauvais gout de relire les communiqués des G20 précédents.

Alors, on en viendra au troisième niveau du chaos : un marché mondial sans règle mondiale conduit, à terme, à la victoire des marchés sur la loi. Et donc des marchés les moins légaux. On a aujourd’hui un exemple d’un pays sans gouvernement : la Somalie. Le marché y a conduit au chaos absolu.

Japonisation, Madovisation, Somalisation. Telles sont les trois menaces, concrètes et réalistes, de la globalisation.

A moins de cesser de traiter d’utopie toute réflexion sérieuse sur un gouvernement mondiale. Et de ne plus refuser de parler sérieusement de ce qui le conditionne : un droit financier véritablement planétaire et un tribunal financier international pour en vérifier la mise en œuvre.